La pollution des sols, un fléau environnemental aux conséquences juridiques complexes. Quand un accident survient, qui en assume la responsabilité ? Plongée dans les méandres du droit de l’environnement.
Le cadre juridique de la pollution des sols
La loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels constitue le socle juridique en matière de pollution des sols en France. Elle définit les obligations des exploitants d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et introduit le principe de remise en état des sites pollués.
Le Code de l’environnement précise ces dispositions, notamment à travers l’article L. 556-3 qui établit une hiérarchie des responsables en cas de pollution accidentelle. Cette hiérarchie place en premier lieu le dernier exploitant de l’installation à l’origine de la pollution, suivi du propriétaire du terrain s’il est prouvé négligent ou complice.
La responsabilité de l’exploitant
L’exploitant d’une ICPE est considéré comme le premier responsable en cas de pollution accidentelle des sols. Cette responsabilité découle du principe du pollueur-payeur, inscrit dans la Charte de l’environnement de 2004. L’exploitant est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les risques de pollution et, le cas échéant, pour remédier aux dommages causés.
La jurisprudence a confirmé cette responsabilité dans de nombreuses affaires, comme l’illustre l’arrêt du Conseil d’État du 26 juillet 2011 (n° 328651), qui a jugé que la société Wattelez devait assumer les coûts de dépollution d’un site, même si elle n’en était plus propriétaire au moment de la découverte de la pollution.
La responsabilité subsidiaire du propriétaire
Dans certains cas, le propriétaire du terrain peut être tenu pour responsable de la pollution, notamment s’il est prouvé qu’il a fait preuve de négligence ou s’il a contribué à la pollution par son comportement. Cette responsabilité subsidiaire vise à éviter que des sites pollués ne restent sans responsable identifié.
L’arrêt de la Cour de cassation du 11 juillet 2012 (n° 11-10478) a ainsi retenu la responsabilité d’un propriétaire qui avait acquis un terrain en connaissance de sa pollution et n’avait pas pris les mesures nécessaires pour prévenir les risques.
Le rôle de l’État et des collectivités territoriales
En l’absence de responsable identifié ou solvable, l’État peut intervenir pour assurer la mise en sécurité des sites pollués présentant des risques importants pour la santé ou l’environnement. Cette intervention se fait par l’intermédiaire de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) dans le cadre de la procédure des sites à responsable défaillant.
Les collectivités territoriales peuvent être amenées à jouer un rôle dans la gestion des sites pollués, notamment dans le cadre de projets de réaménagement urbain. La loi ALUR de 2014 a renforcé leurs prérogatives en leur permettant de se substituer au propriétaire défaillant pour réaliser les opérations de dépollution.
Les enjeux de la preuve et de la causalité
L’établissement de la responsabilité en cas de pollution accidentelle des sols soulève souvent des questions complexes de preuve et de causalité. La charge de la preuve incombe généralement à celui qui allègue la pollution, mais les tribunaux ont parfois admis un renversement de cette charge au nom du principe de précaution.
L’arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2011 (n° 10-17645) a ainsi considéré que la présomption de causalité pouvait s’appliquer dès lors qu’il était établi que l’exploitant avait utilisé des substances susceptibles de causer la pollution constatée.
Les sanctions et les obligations de réparation
Les responsables de pollutions accidentelles des sols s’exposent à des sanctions pénales et administratives. L’article L. 173-3 du Code de l’environnement prévoit des peines pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende pour les atteintes les plus graves à l’environnement.
Au-delà des sanctions, les responsables sont tenus à une obligation de réparation des dommages causés. Cette réparation peut prendre la forme d’une remise en état du site, d’une dépollution ou de mesures compensatoires. Le préfet peut imposer ces mesures par arrêté, comme l’a rappelé le Conseil d’État dans sa décision du 1er mars 2013 (n° 354188).
L’évolution vers une responsabilité élargie
La tendance actuelle du droit de l’environnement est à l’élargissement de la responsabilité en matière de pollution des sols. La loi sur la responsabilité environnementale de 2008 a introduit la notion de préjudice écologique, permettant la réparation des atteintes à l’environnement indépendamment des dommages aux personnes ou aux biens.
Cette évolution se poursuit avec la reconnaissance croissante du devoir de vigilance des entreprises, qui les oblige à prévenir les risques environnementaux liés à leurs activités, y compris celles de leurs filiales et sous-traitants.
La question des responsabilités en cas de pollution accidentelle des sols reste un enjeu majeur du droit de l’environnement. Entre le principe du pollueur-payeur et la nécessité de garantir la réparation des dommages, le législateur et les juges cherchent un équilibre délicat. L’évolution de la jurisprudence et des textes témoigne d’une prise de conscience croissante de l’importance de protéger les sols, ressource essentielle et fragile de notre environnement.